Le blog de l’étude

Cette rubrique est destinée à informer notre clientèle ou nos contacts, d'évolutions législatives ou jurisprudentielles significatives et de questions concrètes d'ordre professionnel, patrimonial ou personnel, qui peuvent être résolues grâce à l'intervention d'un notaire, afin de contribuer à une meilleure utilisation du droit et de la fiscalité, qui doivent être perçus comme des outils au service d'un objectif et non comme une source de contraintes ou d'économies à travers la fiscalité.

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FIDUCIE-SÛRETÉ : un mode de refinancement de l'immobilier d'entreprise à privilégier(1)

Publie le Jeudi 11/07/2013

Les entreprises sont exposées actuellement à des situations difficiles de trésorerie mais aussi trouvent difficilement du crédit bancaire pour financer leurs opérations de développement.

L'externalisation de l'immobilier d'entreprise ou son refinancement à travers le crédit-bail sont les modes utilisés actuellement pour réaliser ces objectifs mais ils présentent un coût fiscal non négligeable.

La fiducie-sûreté instituée par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007, depuis modifiée, consiste à opérer un transfert fiduciaire (et non de propriété) d'un bien (au cas d'espèce, l'immeuble de l'entreprise) par le constituant (l'entreprise) à titre de garantie dans les mains d'un fiduciaire (établissement de crédit ou institution assimilée, entreprise d'assurance, entreprise d'investissement ou avocat) au profit d'un bénéficiaire (l'entreprise, si elle rembourse le crédit ou la banque prêteuse, en cas de défaillance du débiteur). Ce transfert est consenti en vertu d'une convention publiée sur le registre national des fiducies et aussi au bureau des hypothèques dont dépend l'immeuble grevé. Elle peut prévoir que le constituant conserve la jouissance de l'immeuble et les conditions de celle-ci. La fiducie-sûreté fait  l'objet d'un régime spécifique en matière de procédures collectives qui permet au créancier fiduciaire de pouvoir disposer de l'actif sous réserve du maintien de sa mise à disposition, s'il est nécessaire à la continuation de son activité puisque celle-ci relève du régime des contrats en cours.

I - Coût fiscal de sortie du bilan de l'externalisation et de la cession-bail

Le sortie du bilan de l'entreprise utilisatrice de l'immeuble l'obligera à s'acquitter de l'impôt sur la plus-value dans les deux cas. Si l'immeuble figure pour son coût historique au bilan, cela signifie que le prix de vente sera amputé jusqu'à un tiers compte tenu de l'impôt sur les sociétés (33,33 %) auquel s'ajoutent les contributions additionnelles à acquitter pour les plus importantes d'entre elles(2).

II - Traitement comptable et fiscal de la fiducie-sûreté

La fiducie-sûreté bénéficie d'un régime de neutralité fiscale et de règles propres en matière comptable.

La sortie de l'immeuble du bilan du constituant exerçant une activité professionnelle (industrielle, commerciale, artisanale, agricole, professionnelle non commerciale ou civile soumise à l'IS) est neutre quant à l'imposition de la plus-value qui deviendra seulement exigible en cas de transfert de l'immeuble dans le patrimoine du créancier fiduciaire à défaut de remboursement du crédit.

Au plan comptable, l'immeuble sort du bilan de l'entreprise et est remplacé par une créance de restitution. Il est transféré au fiduciaire pour sa valeur comptable si le constituant contrôle la fiducie (deux des trois critères suivants devront être remplis à cette fin : pouvoir de décision sur les biens transférés, capacité de bénéficier de la majorité des avantages économiques de la fiducie, prise en charge de la majorité des risques pour les entreprises assujetties à l'IS) ou pour sa valeur réelle dans le cas contraire. La dette attachée au bien remis en fiducie suivra celui-ci et sera transférée dans le patrimoine fiduciaire (on notera qu'une dette isolée ne peut pas être remise dans un patrimoine fiduciaire).

Le fiduciaire doit tenir une comptabilité propre à la fiducie et déterminer annuellement le résultat de celle-ci en tenant compte des amortissements et provisions pour dépréciation constatés dans les livres du constituant (transfert à la valeur comptable) ou déterminées pour les valeurs réévaluées (transfert à la valeur vénale).

Au plan fiscal, l'imposition du résultat de la fiducie est déterminée par le fiduciaire selon les règles fiscales propres au constituant par le jeu de la transparence fiscale et le résultat de la fiducie s'ajoute à celui du constituant.

Au terme du contrat de fiducie, deux solutions : le débiteur a remboursé en totalité sa dette. Dans ce cas, l'immeuble revient dans le patrimoine du constituant et les valeurs de transcription des actifs sont les mêmes que celles qui ont été retenues lors de l'entrée des biens dans le patrimoine fiduciaire. En cas de défaillance du débiteur, il y a imposition immédiate des bénéfices non encore taxés et notamment les plus-values constatées lors du transfert au constituant et des provisions non encore réintégrées.

III - Mise en place d'un crédit adossé à une fiducie-sûreté

Si l'opération de constitution d'une fiducie-sûreté ne présente pas de difficulté particulière quant à sa mise en place qui nécessite un acte notarié pour constater non seulement le transfert fiduciaire au bureau des hypothèques mais aussi la créance afin d'éviter toute contestation sur l'existence de celle-ci, sous réserve de disposer d'une documentation à jour et complète sur l'actif immobilier à transférer, il va falloir trouver un organisme qui consente un crédit pour financer le besoin à couvrir.

Malgré la très grande sécurité qu'offre la fiducie-sûreté au créancier dans le cadre d'une procédure collective, il faudra tenir compte de la destination des fonds prêtés pour trouver l'organisme correspondant : couverture d'un besoin de trésorerie, financement d'un projet de développement, apport d'argent frais pendant la période suspecte(3) ou après l'ouverture de la procédure collective pour garantir de nouvelles dettes permettant à l'entreprise de continuer.

Après avoir cerné la nature du besoin à financer, il faudra chercher l'opérateur approprié en tenant compte des contraintes auxquelles sont exposées les banques suite aux accords de Bâle III qui obligent notamment ces dernières à financer des emprunts à long terme, par des ressources à long terme. C'est la raison pour laquelle les entreprises doivent élargir leur réseau de financement aux capitaux-risqueurs, fonds d'investissement, banques privées qui pourront subvenir à leurs besoins en fonction de leur nature. Mais beaucoup d'entre eux ignorent encore les avantages de la fiducie-sûreté et sa très grande sécurité.

En particulier, les investisseurs professionnels habitués à prendre une participation au capital ou en souscrivant des obligations convertibles en actions, leur permettant de convertir leur créance en participation au capital ou y renoncer moyennant une prime de non conversion, peuvent aussi souscrire de simples obligations garanties par une fiducie-sûreté, sous réserve de respecter les contraintes liées à leur statut fiscal de faveur (SCR, FCPR et assimilés).

Il y a là un double avantage à souligner pour les deux parties : le prêteur est mieux sécurisé par une fiducie-sûreté que par la conversion des obligations en actions et le débiteur n'aura pas à acquitter la prime de non-conversion.

Concernant l'émolument d'acte notarié, il ne fait aucun doute que si le prêt est reçu par acte authentique, l'émolument de prêt sera applicable (0,275% sur capital prêté), la fiducie-sûreté étant l'accessoire de la créance ainsi constatée.
De même, en cas de vente de l'immeuble à un tiers ou d’attribution au créancier initiée par le fiduciaire, faute de remboursement du crédit par le débiteur-constituant, l'émolument de vente est applicable.
Par contre, le tarif des notaires n'envisage pas expressément la tarification du transfert fiduciaire en tant que tel et l'assimile à un transfert de propriété par défaut (lettre du CSN du 6 avril 2010).
Pour notre part, nous pensons que cette position si défendable soit-elle, pourrait faire l'objet d'un aménagement pour les sociétés qui seraient amenées à constituer une fiducie-sûreté en appliquant l'émolument de publicité foncière propre à celle-ci et liquidé sur la valeur des biens soumis à cette formalité.

Conclusion sous forme d'exemple chiffré

Soit une société industrielle qui détient un immeuble depuis 10 ans ayant une valeur nette comptable à son bilan de 400.000 €. Sa valeur de marché est actuellement de 2.000.000 € et de 3.000.000 € au dénouement de l'emprunt par remboursement ou en cas de défaillance de l'emprunteur (on supposera qu'une indemnité de résiliation amiable de 100.000 € doit être versée par le cédant au crédit bailleur). Elle souhaite mettre en place un financement de 1.000.000 €. On supposera que le transfert fiduciaire s’opèrera en valeur comptable et que le fiduciaire continuera le plan d’amortissement du constituant.

Nous allons comparer les coûts inhérents à une cession-bail et à un crédit ou un emprunt obligataire avec constitution d'une fiducie-sûreté :
- au moment de la constitution ;
- au dénouement normal de l'opération après remboursement total du créancier ;
- et en cas de défaillance du débiteur (on suppose que la VNC est de 300.000 €).

Ces coûts sont résumés dans un tableau de synthèse.

Tableau de synthèse

 

Cession-bail

Fiducie-sûreté

Différence de coût

En cas de remboursement total

200.000 € (plus-value)

+ 38.500 € (constitution)

+ 342.780 € (frais notariés de rachat par l'entreprise et réintégration du suramortissement des constructions) =

581.280 €

19.050 € (constitution) + 27.875 € (frais de retour) =

 

 

 

 

46.925 €

Economie de 534.355 € pour l'entreprise

En cas de défaillance de l'emprunteur

200.000 € (plus-value)

+ 38.500 € (constitution)

+ 3.400 € (frais de résiliation avec prix) =

 

241.900 €

19.050 € (constitution)

+ 900.000 € (plus-value) =

 

 

919.050 €

Surcoût de 677.150 € correspondant à la plus-value due par l'entreprise

 

 

Constitution de la fiducie

Retour immeuble chez constituant (remboursement)

Transfert immeuble chez créancier ou un tiers (défaillance)

Emolument notaire

- 0,275% sur capital (émolument de prêt si prêt constaté par acte authentique) ;

- 0,825% sur la valeur de l'immeuble transféré par une personne physique ou morale à défaut de constat authentique du prêt.

0,825% sur valeur vénale de l'actif restitué au constituant.

0,825 % sur valeur vénale.

Taxe de publicité foncière

0,71498 % sur la valeur vénale de l'actif transféré.

Droit fixe : 125 €

5,09006 % sur prix de rachat.

Salaire conservateur

0,10 % sur la valeur vénale de l'actif transféré.

0,10 % sur la valeur vénale de l'actif transféré.

0,10 % sur la valeur vénale de l'actif transféré.

 

Cette étude contribue à démontrer que la fiducie-sûreté est plus compétitive que la cession-bail concernant son coût de mise en place et si l'opération de déroule normalement.

La plus-value de sortie de l'immeuble du bilan du débiteur est exigible immédiatement en matière de cession-bail contrairement à la fiducie-sûreté où elle est exigible uniquement en cas de défaillance du débiteur et vente de l'immeuble à un tiers par le fiduciaire dans le cadre de la convention de fiducie-sûreté. La différence dans le montant de la plus-value à acquitter lors de la mise en place d'une cession-bail et lors de la vente de l'immeuble par le fiduciaire tient au fait qu'en matière de cession-bail, la plus-value se calcule par rapport au montant refinancé qui peut être inférieur à la valeur vénale, contrairement à une fiducie-sûreté où la plus-value correspond toujours à la différence entre la valeur de marché et la valeur nette comptable.


(1) Cet article fait suite à une étude parue dans la revue de droit bancaire et financier janvier/février 2012 intitulée "plaidoyer pour l'utilisation urgente de la fiducie-sûreté pour refinancer l'immobilier d'entreprise" qui avait pour but de sensibiliser les établissements de crédit et autres organismes assimilés sur la pertinence de cet outil pour refinancer l'immobilier d'entreprise.


(2) Contribution sociale de 3,3% de l'article 235 ter ZC du Cgi si le montant d'imposition sur les sociétés à acquitter est > 763.000 € et (CA > 7.630.000 €) et contribution exceptionnelle 5% de l'article 235 ter ZCA du Cgi (applicable du 31/12/2011 au 30/12/2015) pour celles qui réalisent un CA > 250.000.000 €

(3) L'article L 632-1-9° du Code de commerce autorise le transfert judiciaire des actifs de l'entreprise pour garantir des dettes contractées concomitamment à la mise en place de la fiducie-sûreté.

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