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Obligation d'immatriculation d'un établissement secondaire

Publie le Mercredi 26/07/2017

Un magasin éphémère constitue-t-il un établissement permanent caractérisant l’établissement secondaire au sens de l’article R.123-40 du Code de commerce et rendant nécessaire sa déclaration au RCS sous peine d’être poursuivi pour travail dissimulé ?

RAPPEL DES PRINCIPES

L'article R.123-40 du Code de commerce définit l'établissement secondaire comme étant un établissement permanent, distinct du siège ou de l’établissement principal et dirigé par la personne tenue à l'immatriculation, un préposé ou une personne ayant le pouvoir de lier des rapports juridiques avec des tiers.

L'article L.123-41 du même Code, quant à lui, oblige le commerçant qui ouvre un établissement secondaire, dans un délai d’un mois avant ou après cette ouverture, à immatriculer l’établissement et cela doit conduire à une inscription complémentaire de l’établissement en vertu de l'article R.123-43 du même Code.

Enfin l'article L.8221-3 du Code du travail définit le délit de travail dissimulé par dissimulation d’activité.

FAITS

Dans un arrêt du 28 mars 2017 (n°16-81.944), la chambre criminelle de la Cour de Cassation s'est prononcée sur la notion d'établissement secondaire dont l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés est obligatoire au risque d'être poursuivi pour travail dissimulé.

En l’espèce, le gérant d'une entreprise de vente à domicile de coutellerie ouvre un magasin éphémère destiné à écouler un stock d'articles exclus du catalogue de vente et dont la durée d’exploitation, fixée par avance, ne doit pas excéder six mois (du 24 juillet 2012 au 31 décembre 2012).

Pour ce faire, il emploie des salariés détachés de son entreprise principale. Après avoir fait l’objet d’un contrôle de la part des services de l’inspection du travail et de l’URSAFF, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) informe le gérant de son obligation d’immatriculer le magasin au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) par application des articles R.123-40 et R.123-41 du Code du commerce. Refusant dans un premier temps d’y procéder étant donné le caractère éphémère et donc non permanent de l’établissement, le gérant est poursuivi par le juge pénal pour travail dissimulé.

On reproche notamment au commerçant le fait qu’il aurait intentionnellement omis d’immatriculer son établissement secondaire puisqu’il avait été informé le 20 septembre 2012 de son obligation de déclaration mais que la régularisation n’est intervenue que le 9 octobre 2012, soit presque trois semaines plus tard.

CONSEQUENCES DU DEFAUT D’IMMATRICULATION

Un magasin qualifié d’éphémère du fait de sa courte durée d’exploitation constitue un établissement permanent caractérisant l’établissement secondaire, distinct de l’établissement principal. Ainsi le commerçant se voyait dans l’obligation d’immatriculer l’établissement secondaire dans les délais fixés par les articles R.123-41 et R.123-43 du Code de commerce.

Par conséquent, en ne respectant pas son obligation de déclaration au RCS, le gérant s’est rendu coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d’activité. En effet, ce n’est pas la dissimulation de salariés qui était mise en cause au cas d’espèce mais bien la dissimulation d’activité suite à l’absence d’immatriculation.

Avec cette solution, la chambre criminelle de la Cour de Cassation vient confirmer un avis du Comité de coordination du RCS du 27 novembre 2015 selon lequel « le caractère permanent se rapporte à l’établissement envisagé dans sa réalité physique, dont la fixité l’oppose notamment aux simples étals sur marchés de commerçants non sédentaires, et non à la durée d’exploitation prévue par la personne immatriculée ».

Ainsi ce n’est pas la durée de l’exploitation qui délimite le caractère permanent de l’établissement mais sa réalité physique. De ce fait, une boutique éphémère constitue un établissement secondaire dès lors que s’y nouent de véritables rapports juridiques avec les tiers.

L’employeur qui a été rendu coupable de travail dissimulé encourt tout d’abord des sanctions pénales. En effet, une telle infraction est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, ce à quoi peut s’ajouter une peine complémentaire telle que l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle.

Outre la sanction pénale fixée par le juge, l’administration a, entre autres, la possibilité de refuser le bénéfice des aides publiques à l’emploi ou à la formation professionnelle pendant une durée maximale de cinq ans.

On pourrait penser qu’au risque relevant du droit du travail s’ajoute un risque fiscal en cas d’activité occulte.

En effet l’activité occulte est caractérisée lorsque le contribuable n’a pas déposé auprès de l’administration fiscale une déclaration d’existence dans le mois du commencement de son activité.

Pour qu’il y ait activité occulte, il faut que le contribuable exerce soit une activité qui est par nature illicite telle que le trafic de stupéfiants ou le proxénétisme soit une activité licite mais qui n’a pas été déclarée au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce.

La caractérisation d’une telle activité a des conséquences fiscales importantes. Tout d’abord, on observe un allongement de 3 à 10 ans du délai de reprise (article L.169 du Livre des procédures fiscales).

Au droit de reprise allongé, s’ajoute une majoration de 80% sur l’impôt éludé du fait de cette activité (article 1728,1 du Code général des impôts).

Cependant, la doctrine administrative (BOI-CF-PGR-10-70-20161229) a énoncé que l’omission par le contribuable de déclarer son établissement secondaire ne constitue par une activité occulte si une telle déclaration fiscale avait été préalablement effectuée à l’égard de son établissement principal.

Néanmoins, il est nécessaire que les recettes et les charges relatives à l’établissement secondaire soient intégrées dans la déclaration fiscale de l’établissement principal sous peine de s’exposer à une pénalité pour insuffisance de déclaration. 

Voir aussi dans nos actualités : 

Prescription et pénalités fiscales en matière d'activités occultes : de l'intérêt d'opposer à l'administration fiscale sa doctrine !?

Modifications diverses de droit des affaires de la loi Macron du 6 août 2015

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