Le blog de l’étude

Cette rubrique est destinée à informer notre clientèle ou nos contacts, d'évolutions législatives ou jurisprudentielles significatives et de questions concrètes d'ordre professionnel, patrimonial ou personnel, qui peuvent être résolues grâce à l'intervention d'un notaire, afin de contribuer à une meilleure utilisation du droit et de la fiscalité, qui doivent être perçus comme des outils au service d'un objectif et non comme une source de contraintes ou d'économies à travers la fiscalité.

Rechercher

Résiliation d'un bail commercial et cession de fonds de commerce: un choix pas toujours permis

Publie le Vendredi 06/05/2016

Cet article présente à travers un cas de jurisprudence, les limites d’une optimisation fiscale qui avait amené les intéressés à choisir la voie la moins onéreuse (résiliation du bail commercial) qui avait eu pour conséquence la déduction de l’indemnité de résiliation des revenus du bailleur, par rapport à celle de la cession de fonds de commerce qui aurait obligé l'acquéreur à inscrire le prix d'acquisition en actif immobilisé, non amortissable.

 

La société S avait acquis en 1998 un local commercial loué à bail commercial aux époux A qui exploitaient un fonds de commerce de restauration.

 

En 1999, la société S a résilié par anticipation le bail commercial avec les époux A moyennant le versement d'une indemnité de résiliation de 6,2 millions de Francs.  La société S après avoir effectué des travaux de rénovation et d’extension, conclut un nouveau bail commercial dans des conditions financières beaucoup plus avantageuses, pour elle, avec une autre société gérée et détenue par les mêmes associés que ceux de la Société bailleresse et ayant une activité similaire à celle des précédents preneurs.

 

Lors d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé que l'indemnité versée par la société S était en réalité versée pour l'acquisition de la clientèle attachée au fonds de commerce exploité et a remis en cause sur le fondement de l'article L 64 du Livre des Procédures Fiscales, la déduction de cette indemnité au titre des charges déductibles du bénéfice imposable. La société preneur à bail a contesté le paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et la majoration de 80%  résultant de ce redressement.

 

Les juges du fond ont refusé de faire droit à la demande de décharge des suppléments d'imposition litigieux de la société S (bailleresse) en précisant que conformément à l'article L64 du Livre des Procédures Fiscales, le contribuable n'avait pas apporté la preuve que l'opération avait été poursuivie par un motif autre que fiscal (la charge de la preuve incombant au contribuable suite à l'avis rendu en faveur de l'Administration par le Comité Consultatif de l'abus de droit).

 

Le Conseil d'Etat (9ème sous-section, 9 Octobre 2015 n°373654) casse et annule l'arrêt d'appel dans le cadre d’un second pourvoi en cassation, considérant que l'opération présentait un avantage économique compte tenu des travaux importants réalisés qui ont contribué à augmenter la valeur locative. Par conséquent, la recherche d’un but exclusivement fiscal au sens de l'article L 64 du Livre des Procédures Fiscales n’était plus caractérisée. Mais le Conseil d'Etat a néanmoins requalifié l'acte litigieux en considérant que l'indemnité de résiliation n'était pas déductible et correspondait en réalité à l'acquisition d'un élément d'actif en relevant que le loyer était survalorisé par rapport au prix du marché d’autant que les sociétés Bailleresse et Preneuse étaient détenues et gérées par les mêmes personnes et que les époux A s’étaient interdits d’exploiter un fonds de commerce similaire pendant 5 ans à compter de la résiliation et dans un rayon de 500 mètres. 

 

Ainsi, en résiliant le bail, les parties ont voulu éviter de conclure une cession de fonds de commerce dont le prix de cession doit être inscrit à l'actif du bilan, afin de  pouvoir déduire l’indemnité de résiliation du compte de résultats du bailleur.

 

Cet arrêt s’inscrit dans la jurisprudence du Conseil d’Etat en la matière qui requalifie l’acte litigieux sur le terrain de fraude à la loi.  

 

En effet, l'identité entre les propriétaires des parts des sociétés bailleresse et preneuse a été l'élément essentiel qui a conduit à fonder le rejet de la déductibilité de l'indemnité de résiliation. En effet, le Conseil d'Etat admet la déduction de l'indemnité de résiliation dès lors que cette dernière permet de relouer les locaux à un loyer plus élevé pour acquérir un revenu (CE assemblée plénière, 20 Octobre 1978, n°7157 et CE 10èmeet 9ème sous-section, 21 Novembre 2007, n°275536). 

 

Par contre, le Conseil d’Etat refuse cette déduction, dès lors que la résiliation a pour objet de permettre d’exploiter l’immeuble acquis et anciennement loué (CE, 9ème et 7èmes sous-section du 19 Février 1986, n°46347). Compte tenu de l’identité entre les propriétaires des parts des sociétés bailleresse et locataire, le Conseil d’Etat a considéré que la résiliation du bail avait contribué à permettre d’exploiter les locaux.

 

Ainsi, l’optimisation nécessite d’étudier de façon préalable et approfondie, les règles qui s’appliquent à des outils plus avantageux pour vérifier les conditions de leur éligibilité à l’opération projetée. 

 

Actualités - Résiliation d'un bail commercial et cession de fonds de commerce: un choix pas toujours permis