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Suppression de l'obligation de représentation fiscale à l'égard de certains résidents européens (dispositions prélèvement du tiers sur les plus

Publie le Mercredi 21/01/2015

Jusqu’au 1er janvier 2015, tous les non résidents réalisant à titre occasionnel des plus values immobilières étaient soumis à l’obligation de désigner un représentant fiscal en France pour payer le prélèvement sur les plus-values immobilières occasionnelles.

 

L'article 244 bis A, IV, alinéa 1 du CGI dispose que : "L'impôt dû en application du présent article est acquitté lors de l'enregistrement de l'acte ou, à défaut d'enregistrement, dans le mois suivant la cession, sous la responsabilité d'un représentant désigné comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires."

 

Le représentant fiscal signe la déclaration fiscale servant à liquider l'impôt et est responsable de son paiement. Il est également solidaire pour le paiement de la taxe annuelle de 3% sur la valeur vénale des immeubles détenus par des entités juridiques (article 990 F du CGI)

 

Lors de la réquisition de la formalité fusionnée ou de la formalité de l'enregistrement, à défaut de dépôt de déclaration n° 2048-IMM comportant la désignation d'un représentant accrédité, le service de publicité foncière ou le service des impôts des entreprises refuse l'accomplissement de cette formalité au déposant (BOI-RFPI-PVINR-30-20, § 70).

 

Nous souhaitons rappeler à l’occasion de la modification du champ de cette obligation (I), son fondement textuel.

 

 

I. Fondement de l'obligation de désigner un représentant

 

L'article 244 bis A, IV, alinéa 1 du CGI prévoit que le représentant fiscal est "désigné comme en matière de taxe sur le chiffre d'affaires", c'est-à-dire qu'il doit être accrédité par l'administration fiscale (art. 289 A du CGI).

 

Par dérogation aux dispositions légales rappelées ci-dessus, l’administration fiscale admet que le cédant désigne en qualité de représentant fiscal puisse être :

 

- l’acquéreur, s'il est domicilié en France ;

 

- un particulier accrédité par l’administration fiscale ;

 

- un organisme professionnel spécialement habilité à cet effet ;

 

- ou une banque ou un établissement de crédit.

 

 

II. Cas de dispense de désignation d’un représentant

 

A. Loi de finances rectificative pour 2014

 

Suite à un arrêt de condamnation du Portugal du 5 mai 2011 et à une mise en demeure de la France par les instances européennes le 25 avril 2013, l’article 62 de la loi de finances rectificative de 2014 a supprimé l’obligation de désigner un représentant pour les cédants (personnes physiques ou personnes morales) établis dans un Etat de l’Union européenne, en Norvège ou en Islande (voir l’article général sur la suppression du représentant fiscal à l’égard des résidents européens).

 

On soulignera que l'Espagne a égament été condamnée par la Cour aux termes d'un arrêt du 11 décembre 2014, concernant l'obligation de représentation fiscale pesant sur les fonds de pension et compagnies d'assurances intervenant en libre prestation de services sur le territoire de l'Espagne. La France est intervenue à cette procédure pour soutenir l'Espagne (cf. § 30 à 33 pour les arguments de la république française et 34 à 63 pour la réponse de la Cour). La France n'était pas intervenue à la procédure contre le Portugal (arrêt du 5 mai 2011 précité), mais l'Espagne l'avait fait.

 

 

B. Portée restreinte de la loi de finances rectificative pour 2012

 

On observera que la suppression de l'obligation de désigner un représentant est limitée aux cédants résidant dans un Etat de l'Union européenne, en Islande ou en Norvège. La loi de finances rectificative pour 2014 ne prévoit aucune dispense de représentant pour les cédants résidant dans un Etat tiers ayant conclu avec la France, une clause d'assistance administrative en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et la fraude fiscale (suivant les Etats, cette clause peut simplement porter sur l'échange de renseignements mais également s'étendre en matière de recouvrement).

 

Cela soulève deux interrogations.

 

 

1° Interrogation concernant l'application du seul droit interne (renvoi aux règles applicables en matière de taxe sur le chiffre d'affaire)

 

i) Cas de dispense prévus en matière de taxe sur le chiffre d'affaire (article 289 A du CGI)

 

L'article 289 A du CGI prévoit, depuis l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 2012 (loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012), que sont dispensées de désigner un représentant fiscal, les personnes établies dans un Etat non membre de l'Union européenne avec lequel la France dispose d'un instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle ayant une portée similaire à celle prévue par la directive du 16 mars 2010 (directive 2010/24/ UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures) et par le règlement du 7 octobre 2010 (règlement (UE) n° 904/2010 du Conseil du 7 octobre 2010 concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée).

 

La liste de ces Etats a été fixée par un arrêté du ministre chargé du budget du 15 mai 2013 :

-          Argentine

-          Australie

-          Azerbaïdjan

-          Géorgie

-          Inde

-          Islande

-          Mexique

-          Moldavie

-          Norvège

-          République de Corée

-          Saint-Barthélemy.

 

Le rapport à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012 prévoit que cette modification a été opérée pour mettre le droit français en conformité avec l’article 204 de la directive TVA applicable au 1er janvier 2002, qui limite l’obligation de désigner un représentant fiscal aux seuls assujettis établis dans un pays avec lequel il n’existe pas d’instrument juridique relatif à l’assistance mutuelle ayant une portée similaire à ceux prévus par le droit communautaire (directive et règlement précités).

 

Dans le cas où il existe un instrument juridique de cette nature relatif à l’échange de renseignements et à l’assistance au recouvrement, les États membres ne peuvent obliger l’assujetti non communautaire à désigner un représentant fiscal, mais seulement lui en proposer la faculté.

 

Lors de la transposition en droit interne de ces dispositions, aucun instrument juridique de cette nature n’existait avec les pays non membres de l’Union européenne. Depuis, un instrument juridique d’assistance mutuelle répondant aux conditions précitées a été mis en place avec plusieurs États tiers (le rapport initial à l'Assemblée nationale visait notamment l’Australie, l’Azerbaïdjan et la Suisse, qui n'est pas visée dans la liste ci-dessus).

 

Par un courrier du 23 septembre 2011, la Commission européenne a invité le Gouvernement à présenter ses observations sur ce point. Le Gouvernement s’est engagé à mettre le droit français en conformité avec l’article 204 de la directive TVA en vigueur.

 

 

ii) Portée du renvoi en matière de plus-value immobilière des non-résidents (art. 244 bis A, IV), aux règles en matière de taxe sur le chiffre d'affaire (art. 289 A)

 

Dans la mesure où l'article 244 bis A, IV du CGI procède à un renvoi aux règles de désignation d'un représentant fiscal applicables en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, on ignore si les cédants domiciliés dans un des Etats ci-dessus (à l'exception de l'Islande et de la Norvège) sont ou non soumis à l'obligation de désigner un représentant fiscal.

 

La doctrine fiscale en matière de plus-value immobilière des non-résidents est silencieuse sur ce point.

 

 

2° Interrogation concernant l'application du droit conventionnel (conventions comportant une clause d'assistance administrative)

 

Le rapport à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014, rappelle que la Commission européenne a adressé une mise en demeure à la France le 25 avril 2013, indiquant que les dispositions françaises prévues en matière de représentation fiscale constituaient une restriction à l’exercice des libertés de circulation européennes garanties par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne), dès lors qu’elles entraînaient des démarches administratives et formelles ainsi qu’un coût lié à la contrepartie requise par le représentant.

 

On rappellera que ce traité autorise une telle restriction dans deux cas :

 

- article 64 du Traité (clause de gel) : les Etats membres à appliquer des dispositions de droit national restreignant les mouvements de capitaux en provenance ou à destination de pays tiers :

 

. si ces dispositions existent de façon ininterrompue depuis le 31 décembre 1993 (sont également visées, les dispositions identiques dans leur substance aux dispositions en cause ou qui n'en diffèrent qu'en tant qu'elles comportaient des obstacles supplémentaires à la libre circulation des capitaux) ;

. et si elles se rapportent à des investissements directs (investissements de toute nature auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l'entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l'exercice d'une activité économique : CJUE, 12 déc. 2006, aff. C-446/04, Test Claimants in the FII Group Litigation, point 181 – CJUE, 24 mai 2007, aff. C-157-05, Hollböck, point 34) (conditions cumulatives).

 

- article 65 du Traité (restrictions fondées sur les différence de situation) : des dispositions restreignant les mouvements de capitaux en provenance ou à destination de pays tiers peuvent être jugées compatibles avec les stipulations du traité relatives à la libre circulation de capitaux, si la différence de traitement qu'elles instaurent :

 

. soit, concerne des contribuables qui se trouvent dans des situations objectivement différentes. A cet égard, la CJUE a jugé que la résidence des assujettis ne constitue pas une différence de situation objective (CJUE, 11 oct. 2007, aff. C-443/06, Hollmann, points 50 à 52) ;

. soit, répond à une raison impérieuse d'intérêt général et n'excède pas ce qui est nécessaire pour que l'objectif poursuivi par ces dispositions soit atteint.

 

 

Par conséquent, dès lors que la convention fiscale applicable comprend des dispositions similaires à la directive n ° 77/799/CEE du 19 décembre 1977 relatives à l'échange de renseignements, il est envisageable que le cédant puisse également prétendre à une dispense de désignation d'un représentant, sur le fondement des dispositions de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

 

Mais en pratique, l'acte de vente (immeuble) ou de cession (parts de société à prépondérance immobilière) fera l'objet d'un refus de publication ou d'enregistrement, que seul un contentieux pourra lever.

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