Le blog de l’étude

Cette rubrique est destinée à informer notre clientèle ou nos contacts, d'évolutions législatives ou jurisprudentielles significatives et de questions concrètes d'ordre professionnel, patrimonial ou personnel, qui peuvent être résolues grâce à l'intervention d'un notaire, afin de contribuer à une meilleure utilisation du droit et de la fiscalité, qui doivent être perçus comme des outils au service d'un objectif et non comme une source de contraintes ou d'économies à travers la fiscalité.

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Pourquoi le fonds de dotation est l'outil à privilégier pour conserver et diffuser une œuvre ou une collection et l'utilité du notaire dans sa constitution et sa gest

Publie le Mercredi 19/12/2012

Un artiste, un auteur ou leurs héritiers et un collectionneur, peuvent souhaiter affecter leur œuvre ou collection à un organisme d’intérêt général, qui sera chargé de la conserver pour la perpétuité et de la diffuser auprès d’un ou plusieurs publics.

Nous allons expliquer pourquoi le fonds de dotation, institué par la loi du 4 août 2008 en transposant en droit français l’endowment anglo-américain, est le meilleur outil parmi les nombreuses personnes morales d’intérêt général de droit français, pour remplir cet objectif. Cette étude ne se limite pas aux aspects juridiques et fiscaux, mais présente aussi les réflexions stratégiques du fondateur préalables à la constitution du fonds et pourquoi le choix d’un notaire est pertinent, non seulement pour sa constitution, mais aussi pour assister l’équipe dirigeante dans sa gestion juridique, fiscale et financière.

Pourquoi le fonds de dotation est le meilleur outil

Nous présenterons rapidement les associations et les fondations de droit français pour constater qu’elles ne sont pas soit adaptées à l’objectif, soit à privilégier par rapport au fonds de dotation.

Les associations et fondations

La distinction majeure entre une association et une fondation tient au fait que la première est un groupement de personnes qui défendent un but d’intérêt général alors que la seconde correspond à des biens affectés à une œuvre d’intérêt général.

Ainsi, on constate que l’association ne correspond pas à l’objectif de l’artiste ou du collectionneur qui est de conserver une œuvre ou une collection pour la diffuser au public. C’est la raison pour laquelle elle doit être éliminée.

Il convient par conséquent de s’intéresser aux fondations, qui correspondent à cet objectif, et de voir pourquoi elles ne sont pas à privilégier pour ce type de projet. La fondation abritée (ou « sous égide ») doit être éliminée parce qu’elle n’a pas la personnalité morale. Elle consiste simplement à ouvrir un compte de fondation dans les livres d’une fondation préexistante pourvue des moyens appropriés. La fondation d’entreprise doit être aussi écartée, car elle ne peut être instituée que par une personne morale et sa durée est déterminée et non perpétuelle. En effet, son but s’inscrit dans un programme d’action pluriannuel. Elle ne peut pas non plus faire appel à la générosité du public ou recevoir des libéralités autres que celles prévues dans le programme d’action pluriannuel. De plus, au plan fiscal, son régime n’est pas le plus avantageux, puisque ses revenus patrimoniaux sont taxés à l’IS à différents taux. La fondation reconnue d’utilité publique correspond davantage, dans sa finalité, au projet envisagé, mais présente certains inconvénients. Elle est définie comme l’affectation irrévocable de biens à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif. Sa dotation doit être d’au moins 800.000 €, afin qu’elle puisse bénéficier des ressources nécessaires pour que son activité soit reconnue d’utilité publique.

La fondation reconnue d’utilité publique bénéficie d’une fiscalité avantageuse :

  • elle est éligible aux réductions d’impôts propres au mécénat (réduction à concurrence de 2/3 des sommes données à l’IRPP pour les personnes physiques et de 60 % de ces mêmes sommes données aux impôts sur les bénéfices professionnels) et à la réduction d’ISF dans la limite de 75% du montant des dons;


  • elle bénéficie d’une exonération de droits d’enregistrement à titre gratuit applicables aux dons ;


  • elle est en principe, exonérée des impôts commerciaux (IS, TVA et contribution économique territoriale) tant qu’elle n’a pas de relations privilégiées avec des entreprises qui pourraient en retirer un avantage concurrentiel et qu’elle n’exerce pas d’activité lucrative de plus de 60.000 € par an.


    Mais la fondation reconnue d’utilité publique présente l’inconvénient d’être assujettie à une tutelle administrative contraignante  pendant sa constitution et son activité.

    Les fonds de dotation

    Le fonds de dotation répond dans sa finalité, au but de conservation et de divulgation de l’œuvre ou de la collection au public à des fins perpétuelles. Il constitue l’outil privilégié car, s’il répond au même objectif que la fondation, sa constitution et sa gestion bénéficient de la souplesse propre aux associations sans contrainte d’une tutelle administrative.

    Le fonds de dotation est créé par une ou plusieurs personnes physiques ou morales pour une durée déterminée ou indéterminée qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et de manière irrévocable. Le fonds utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d’une mission d’intérêt général.

    Le fonds de dotation est administré par un conseil d’administration comprenant au minimum trois membres nommés par le ou les fondateurs, conformément aux statuts.

    Le conseil d’administration est chargé de définir la politique d’investissement du fonds, en respectant les termes statutaires ainsi que d’établir et d’approuver le rapport d’activité annuel (compte-rendu d’activité, liste des actions d’intérêt général financées par le fonds de dotation et leur montant, compte d’emploi des ressources collectées auprès du public précisant l’affectation des dons par type de dépenses ainsi que les informations relatives à son élaboration et la liste des libéralités reçues). Lorsque le montant de la dotation initiale excède 1.000.000 €, les statuts doivent prévoir la création d’un comité consultatif, composé de personnalités juridiques qualifiées, extérieures au conseil d’administration. Sa mission est de faire des propositions de politique d’investissement et d’en assurer le suivi.

    Le patrimoine

    Des biens et droits de toute nature peuvent être apportés à titre gratuit et irrévocablement au fonds de dotation. En principe, les revenus de la capitalisation sont affectés à la réalisation du but d’intérêt général imparti.

    Aussi, tout fonds de dotation a la capacité de recevoir des libéralités, sans autorisation du Préfet. Des dons peuvent être effectués en faisant appel à la générosité du public, sous réserve de s’être vu accordé une autorisation préfectorale.

    Enfin, le fonds peut percevoir des rémunérations à titre accessoire pour les services qu’il rend aux tiers, à condition qu’il respecte les conditions, soit de non lucrativité, soit de lucrativité accessoire. A défaut, il devra acquitter les impôts commerciaux sur l’activité rémunérée.

    Les statuts et formalités de constitution

    Les statuts sont à la fois l’acte constitutif du fonds de dotation et l’origine de son organisation. Ils doivent être rédigés avec soin, d’autant que la liberté contractuelle permet d’organiser son fonctionnement compte tenu  de la volonté du fondateur. Il convient d’exposer les raisons et circonstances à l’origine de la création du fonds, décrire les biens composant la dotation initiale (consomptible ou non), préciser le rôle du fondateur, sa durée, son objet, sa dénomination et mettre en place son organisation de fonctionnement etc.

    Une déclaration en Préfecture doit être déposée avec un exemplaire des statuts afin que le fonds acquière la personnalité morale, à compter de la publication de la déclaration au Journal Officiel. Pour faire appel à la générosité du public, une demande d’autorisation contenant divers documents doit être adressée par lettre recommandée avec AR à la Préfecture du siège social.

    Le contrôle du fonds de dotation

    Dans la constitution du fonds de dotation, le service compétent attaché à la Préfecture ne dispose d’aucune faculté d’opposition, contrairement à celle qu’il possède dans la fondation reconnue d’utilité publique.

    Il conserve toutefois certaines prérogatives en matière d’autorisation pour l’appel à la générosité du public et pour veiller à la régularité de son fonctionnement.

    Un commissaire aux comptes et un suppléant doivent être nommés dès lors que le montant total des ressources du fonds dépasse 10.000 € en fin d’exercice. Le commissaire aux comptes doit certifier les comptes annuels et vérifier leur concordance avec le rapport d’activité établi par le conseil d’administration. Il possède un pouvoir d’information et un pouvoir de dénonciation des irrégularités auprès de l’autorité administrative.

    Les comptes annuels et dépôt

    Les comptes doivent être adressés par LRAR avec le rapport du commissaire aux comptes et dans un délai de 6 mois à compter de la clôture de l’exercice, à la Préfecture du lieu du siège social du fonds. Ils doivent aussi être publiés sur le site Internet de la Direction des Journaux Officiels.

    Les aspects fiscaux

    Le fonds de dotation est éligible aux réductions d’impôt sur le revenu ou les bénéfices propres au mécénat, telles que rappelées au sujet de la fondation reconnue d’utilité publique. Toutefois, à la différence de la fondation reconnue d’utilité publique, les dons n’ouvrent pas droit à la réduction d’ISF.

    En raison de la mission du fonds de dotation, certains dons et legs sont exonérés de droits d’enregistrement à titre gratuit, notamment les fonds de dotation à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises (art. 795, 14° CGI).

    Les exonération d’impôts commerciaux fondée sur la non lucrativité de l’activité du fonds de dotation. Le fonds de dotation est exonéré d’impôts commerciaux (IS, TVA, contribution économique territoriale) dès lors qu’il n’exerce pas d’activité lucrative, ce qui nécessite que le fonds respecte les conditions suivantes :

  • la gestion du fonds doit être désintéressée : limitation de la rémunération des gérants, pas de distribution des bénéfices, pas de déclaration d’attribution d’une part d’actif par les membres du fonds;


  • l’activité du fonds ne doit pas concerner le secteur commercial ou, s’il y a concurrence, doit s’exercer dans des conditions différentes de celles du secteur marchand : il convient d’appliquer la règle des « 4P » ;


  • il ne doit pas entretenir de relations privilégiées avec des entreprises.


    Si le fonds exerce une activité lucrative mais qu’elle est accessoire (60.000 € par an), le fonds bénéficiera de l’exonération des impôts commerciaux.

    L’imposition des revenus du patrimoine

    Les revenus provenant de la gestion du patrimoine du fonds de dotation sont exonérés d’impôt sur les sociétés, dès lors que les statuts ne prévoient pas la possibilité de consommer sa dotation en capital.

    A l'inverse, si la dotation est consomptible, le fonds de dotation est soumis à l’impôt sur les sociétés à différents taux réduits, suivant la nature des revenus issus de son patrimoine. Ils ne supportent toutefois pas la contribution sociale additionnelle à l’IS.

    Réflexions stratégiques quant à la mise en place d’un fonds de dotation et rôle du notaire

    Les développements qui suivent seront consacrés aux questions que devra se poser le fondateur tant pour la constitution que le fonctionnement du fonds. Qui mieux que le notaire, juriste par excellence des questions patrimoniales, peut assister ce dernier en amont dans son projet et son suivi une fois le fonds constitué.

    Identification des biens à donner au fonds

    Il convient de bien cerner les biens de l’œuvre ou de la collection à donner. Le notaire devra tout particulièrement vérifier les questions relatives à l’origine de propriété des biens et à leur libre disposition, en tenant compte de certains aspects liés à la propriété intellectuelle et aussi sur la vérification de la valeur des biens à transférer.

    Envergure et dynamisme du fonds de dotation

    Le fonds de dotation peut avoir une géométrie variable. Il est donc nécessaire de réfléchir à la composition et au montant de la dotation initiale (numéraire ou non) ainsi qu’à la dynamique à donner à la collecte de libéralités, avec appel ou non à la générosité du public. Le notaire devra assister tout particulièrement le fondateur sur ce sujet pour cerner toutes les implications juridiques et fiscales.

    Le placement de la dotation doit en principe fournir des ressources suffisantes pour permettre au fonds de remplir son objet. Toutefois, la faiblesse des revenus de placement peut amener le fondateur à opter pour une dotation consomptible, ce qui a pour effet d’assujettir à l’IS les revenus de la dotation non consommés. Il peut être envisagé de consommer la dotation en totalité chaque année, sauf à pouvoir la remplacer par des dons récurrents en bénéficiant des outils fiscaux avantageux du mécénat.

    Pour contribuer à la levée de fonds régulièrement au moyen des réductions d’impôts (IR, IS), à travers les libéralités de donateurs, le fonds de dotation doit recourir à des actions de communication pour faire connaître son existence et encourager les dons des personnes physiques et morales (site Internet, fichier des donateurs potentiels etc.).

    Il conviendra également de regrouper les donateurs dans un ou plusieurs cercles, en fonction de leur importance.

    La création et fonctionnement du fonds de dotation

    La gestion du fonds doit être également étudiée avec soin. Outre le président, membre du conseil d’administration, un ou deux membres de plus, devra être trouvé, suivant que le fondateur fait ou non partie du conseil.

    Si la dotation initiale dépasse 1.000.000 €, il faut établir un comité consultatif qui jouera le rôle de comité scientifique. Il faut en choisir les membres avant la constitution du fonds.

    La nomination du commissaire aux comptes n’est pas nécessaire tant qu’il n’a pas été constaté que les ressources annuelles du fonds excèdent 10.000 € en fin d’exercice.

    Après avoir été consulté en amont et exercé son devoir de conseil propre à tout acte notarié, le notaire pourra rédiger les statuts qui devront garantir l’efficacité de la constitution et du fonctionnement du fonds de dotation.

    Indépendamment de son expertise juridique et fiscale, il pourra assister le fonds pour :

  • recevoir les fonds provenant des dons et legs sur un compte ouvert au nom du fonds de dotation, dans sa comptabilité à la Caisse des Dépôts et des Consignations et de le reverser au fonds de dotation ;


  • délivrer les reçus réglementaires et les attestations aux donateurs leur permettant de déduire de leurs impôts les dons et legs ;


  • assister le fonds de dotation dans les modalités d’acceptation de biens autres que des dons en numéraire provenant des dons et legs ;


  • intervenir à toute demande du conseil d’administration dans le cadre de la politique de communication du fonds de dotation pour le présenter ainsi que les outils du mécénat y attachés sous un angle strictement juridique et fiscal ;


  • assister le conseil d’administration dans la rédaction du rapport d’activité et du procès verbal de décisions pour l’approbation des comptes annuels à insérer dans un registre spécifique et d’une façon générale, procéder à un dépôt au rang des minutes  de toute la documentation juridique et fiscale relative à l’activité du fonds pour en assurer la conservation et en garantir le caractère probatoire ;


  • veiller à la mise en place d’un fichier des donateurs mis à jour ;


  • d’une façon générale, effectuer toutes les formalités auprès de l’autorité administrative et aussi procéder aux publicités légales obligatoires.


    En résumé, cette présentation a permis de prendre conscience des avantages juridiques et fiscaux du fonds de dotation par rapport aux fondations en particulier, par sa souplesse de constitution et de fonctionnement et la quasi-absence de tutelle administrative.

    Le notaire, juriste du patrimoine, est à même de conseiller le fondateur le plus en amont possible, afin de veiller à la sécurité dans la constitution du fonds et à l’efficacité de son organisation.

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